Par Anaclet Ngabonzima, responsable de la santé de l’enfant, MOMENTUM Résilience Sanitaire Intégrée et Demba Traoré, directeur technique, MOMENTUM Résilience Sanitaire Intégrée, Mali 

Selon l'UNICEF, les enfants d'Afrique subsaharienne enregistrent les taux de mortalité les plus élevés au monde, soit 74 décès pour 1 000 naissances vivantes, et sont 14 fois plus susceptibles de mourir avant l'âge de cinq ans que ceux des régions développées. Malheureusement, la situation au Mali est encore pire. Bien que le taux de mortalité des moins de cinq ans dans le pays ait diminué au cours des dernières décennies, pour s’établir à 101 pour 1 000 naissances vivantes, ce chiffre reste bien trop élevé et la plupart de ces décès sont dus à des causes évitables.

Dr Moulaye Djiteye, chef du Département de Gynécologie-Obstétrique à l'Hôpital Hagnadoumbo Moulaye Touré de Gao, explique avoir été témoin de décès pédiatriques « vraiment choquants ». Par exemple : « Un enfant sous oxygénothérapie… est décédé faute d’électricité et un autre… est décédé parce que ses parents ne l’avaient pas amené à l'établissement de santé approprié à temps en raison d'un manque de moyens financiers ou de croyances socioculturelles. Cela met en évidence les limites de notre système de santé actuel.»

Pour aider à comprendre et à relever ces défis, MOMENTUM Résilience Sanitaire Intégrée a collaboré avec le Ministère de la Santé du Mali pour introduire et adapter l'approche de l'Audit des Décès Pédiatriques (ADP) aux contextes fragiles dans lesquels le projet fonctionne. Basés sur les directives de l'Organisation Mondiale de la Santé, les ADP permettent aux prestataires de soins de santé d'examiner l'éventail des facteurs ayant contribué à un décès évitable, de mettre en œuvre des recommandations pour aborder ces facteurs et, espérons-le, de prévenir de futurs décès causés par les mêmes causes. Ce faisant, les établissements de santé peuvent plus facilement déterminer si les procédures de soins aux patients sont conformes aux meilleures pratiques éprouvées et guider les agents de santé sur la manière d'améliorer la qualité des soins.

Avant d'adopter l’ADP, les professionnels de la santé du Mali ont commencé à mettre en œuvre l'approche de Surveillance des Décès Maternels, Périnatals et Riposte (SDMPR) en 2016 pour réduire les décès maternels évitables. Le Mali cherche désormais à étendre ce travail en se concentrant simultanément sur l’ADP afin de réduire les décès évitables chez les enfants de moins de cinq ans.

En 2022, MOMENTUM a engagé des discussions avec le ministère de la Santé sur l'adoption et le test pilote de l’ADP. Par la suite, l’équipe a apporté son soutien à l’Office National de la Santé Reproductive du Mali ainsi qu’à d’autres parties prenantes des secteurs public et privé pour adapter les directives de l’ADP aux besoins spécifiques du pays. Au cours d'un atelier national, les documents, directives et outils de collecte de données existants du SDMPR ont ensuite été révisés pour intégrer les concepts de l’ADP, conduisant à l'établissement de l'approche SDMPPR, le deuxième « P » reflétant l'intégration du décès « pédiatrique » dans le SDMPPR.

MOMENTUM a ensuite dispensé une formation axée sur les ADP aux comités SDMPR à Gao et à Tombouctou. L'équipe a également organisé une formation de trois jours en 2023 sur l'amélioration continue de la qualité afin de garantir une mise en œuvre du processus et que les recommandations se traduisent par des actions concrètes visant à améliorer la qualité des soins.

« Si nous voulons avoir un impact plus significatif sur la réduction des décès maternels, périnatals et pédiatriques, il est impératif de suivre la mise en œuvre des actions du plan de réponse à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Cela nécessite une plus grande coordination des parties prenantes… et une synergie des interventions », a déclaré le Dr Djiteye.

À l'hôpital Hagnadoumbo Moulaye Touré, les facteurs modifiables identifiés lors du processus d'audit des décès de juillet à septembre 2023 comprenaient la nécessité de remédier aux retards dans la prise de décision, l'administration des soins et le transfert des patients du centre de santé de référence à l'hôpital, ainsi que les défis découlant de l’absence d’unité de néonatologie. Les recommandations ultérieures basées sur ces constats comprennent :

• Veiller à ce que tout le personnel concerné soit impliqué dans la gestion des urgences obstétricales.
• Equiper l'hôpital d'un incubateur ou d’une lampe chauffante.
• Sensibiliser à travers des messages radio sur l’importance de se faire soigner précocement dans les centres de santé.
• Tenir une réunion pour discuter des moyens de remédier aux retards dans le transfert des patients.

Même si le processus d'intégration de l’ADP en est encore à ses débuts, les résultats sont prometteurs. Les membres du comité d'audit apprécient l’approche SDMPPR et estiment qu'elle contribue à une amélioration de la qualité des soins fournis aux enfants de moins de cinq ans. En effet, en raison de ses avantages potentiels, l’ADP est désormais adopté au Mali à l'échelle nationale.

« Grâce à cette formation, j'ai appris que nous pouvons mieux structurer notre travail en mettant en place un réseau de collaborateurs multidisciplinaires et en utilisant davantage les normes nationales », dixit Dr Djiteye. « En tant que responsable d’unité, l’application de ces connaissances apportera une valeur ajoutée dans l’amélioration de la qualité des services et des soins afin de contribuer à la réduction des décès évitables. »