Briser le silence sur la planification familiale dans les régions du nord du Mali

Publié le 1er mai 2024

Par Moussa Koumare, conseiller en gestion des connaissances et en communication de MOMENTUM Integrated Health Resilience, Mali, et Demba Traoré, directeur technique de MOMENTUM Integrated Health Resilience, responsable de la planification familiale, de la santé reproductive et du genre, Mali.

Un responsable du planning familial s'adresse à un groupe communautaire lors d'un dialogue intergénérationnel à Bellafarandi, Tombouctou. Crédit photo : ADIC Sahel

Dans un pays socialement conservateur comme le Mali, en Afrique subsaharienne, les discussions publiques sur la planification familiale volontaire et la sexualité sont généralement taboues. Mais en travaillant avec des organisations non gouvernementales (ONG) dans le nord-est de ce vaste pays aride, MOMENTUM Integrated Health Resilience a contribué à ouvrir le dialogue sur ces sujets de santé importants. MOMENTUM soutient les ONG locales de Gao et de Tombouctou dans l'organisation de sessions de discussion régulières, réunissant des femmes, des jeunes, des leaders communautaires et d'autres acteurs influents de la société civile. Le soutien de MOMENTUM aux ONG comprend également la formation du personnel en matière de PF, le respect des directives gouvernementales sur les questions de PF, la santé reproductive, la collecte de données, la gestion et le renforcement de l'organisation.

Lalla Maiga, 58 ans, est une femme leader et modératrice de session du quartier Château, dans le centre régional de Gao, et également présidente de la CAFO (Associations féminines coordonnées). Elle a souligné comment ces activités de discussion communautaire ont obtenu le soutien de toutes les générations de la communauté, en particulier des membres de la communauté religieuse.

"Il fut un temps où ce sujet était mal compris, surtout au sein des communautés religieuses", explique-t-elle. "Cependant, la situation a changé avec l'implication d'un marabout (un saint homme musulman) membre de notre ASACO (Association de santé communautaire), qui s'est consacré à la promotion de la planification familiale. Aujourd'hui, grâce à son soutien et à son engagement, le PF est mieux accepté et compris au sein de la communauté".

À Tombouctou, Agaicha Cisse, 25 ans, mère de trois enfants, partage les mêmes sentiments. Après une grossesse difficile, une séance de sensibilisation organisée par une ONG locale - l'Association pour le développement des initiatives communautaires au Sahel - a mis en lumière les avantages du PF pour Agaicha.

"Mes grossesses très rapprochées ont entraîné des complications pour mon deuxième enfant, notamment la malnutrition. C'est après avoir participé à une séance de sensibilisation aux avantages de la planification familiale que j'ai été convaincue de ses mérites", explique Agaicha. "Mon mari m'a également soutenue en m'accompagnant au centre de santé communautaire pour adopter la PF. Aujourd'hui, mon plus jeune enfant est en meilleure santé, les maladies sont moins fréquentes et je m'épanouis."

Lutte contre la mortalité

Au Mali, l'utilisation limitée des services de santé reproductive, en particulier le planning familial, contribue de manière significative à la morbidité et à la mortalité des femmes pendant la grossesse, l'accouchement et la période postnatale. Malgré des améliorations récentes, le taux de mortalité maternelle est de 325 pour 100 000 naissances vivantes, tandis que le taux de mortalité néonatale est de 33 pour 1 000 naissances vivantes. Ces taux sont parmi les plus élevés au monde.

Le planning familial est un moyen essentiel de lutter contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Comme le souligne l'USAID, le planning familial contribue à protéger la santé des femmes et des enfants, à améliorer les possibilités d'éducation et d'emploi des femmes et à réduire la pauvreté, entre autres résultats bénéfiques.

Au cours des sessions de discussion, des voix courageuses de la communauté émergent souvent, indiquant un changement de perspective et dissipant des préjugés profondément enracinés et vieux comme le monde autour de la planification familiale. Cela permet d'atteindre l'objectif visé par les sessions : favoriser l'intégration de la PF dans les habitudes de santé de la population.

Le vice-président de RECOTRAD (une organisation de la société civile) parle des obstacles à la communication sur la santé sexuelle et reproductive à Bokoyati, Tombouctou. Crédit photo : ADIC Sahel

Ces échanges ont également favorisé le dialogue intergénérationnel, au cours duquel les jeunes jouent un rôle crucial dans le changement d'attitude au sein de leurs familles. Ibrahim Adramane, 23 ans, leader et mobilisateur communautaire de Gao, explique : "Lorsque nous avons entamé ces discussions (juin 2023), certains chefs de famille nous ont rejetés, nous traitant comme des enfants mal éduqués. Mais grâce à la détermination de notre équipe, tout cela appartient désormais au passé. Je suis particulièrement fière de voir qu'aujourd'hui, certains jeunes, filles ou garçons, peuvent dialoguer directement avec leurs parents".

Les discussions réunissent en moyenne 35 participants, mais il arrive que l'assistance atteigne 100 personnes. Certains hommes sont toujours réticents à l'idée de permettre à leurs partenaires d'accéder au PF. Mais les choses évoluent favorablement.

Faire des percées

Aissata Aboubacrine, sage-femme et responsable de la planification familiale au centre de santé Boulgoundié de Gao, souligne la nécessité de cibler directement les chefs de famille : "Nous observons aujourd'hui une amélioration significative de l'utilisation des services de planification familiale dans notre centre. Auparavant, les femmes cachaient les méthodes contraceptives et j'ai souvent été confrontée à des situations difficiles avec certains maris qui se plaignaient parce que j'avais accepté de planifier avec leurs femmes sans leur permission. Heureusement, je ne rencontre plus ce genre de problèmes. Les clientes n'ont plus honte de se rendre à l'unité de planification familiale, même pendant la journée, et certaines sont même accompagnées de leur mari.

À ce jour, 2 398 membres de la communauté ont été touchés par ces séances de discussion, qui font tomber les barrières autour de la planification familiale en encourageant le dialogue et en ouvrant la voie à un avenir où la santé reproductive est abordée sans crainte ni stigmatisation. Dans des environnements fragiles comme Gao et Tombouctou, de telles discussions avec les jeunes et les communautés contribuent à renforcer la nécessité de la PF comme un aspect du renforcement de la résilience sanitaire au Mali.

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